Extra

Temps de lecture : 2 min 34 s

Les équilibristes

Louis Potvin
Le 18 octobre 2023 — Modifié à 09 h 28 min le 18 octobre 2023
Par Louis Potvin - Rédacteur en chef

Les municipalités de la région sont à préparer le budget 2024. Depuis quelques années, il s’agit d’un exercice de plus en plus difficile, notamment en raison de l’augmentation des coûts pour les travaux d’infrastructures.

En effet, selon une étude d’Aviseo Conseil, réalisée pour le compte de l’Union des municipalités du Québec (UMQ), entre 2020 et 2022, les municipalités de la province ont fait face à une hausse des coûts des contrats de construction de 26 %.

Des exemples récents donnent le vertige. À Saint-Félicien, des travaux pour réparer des conduites sur une distance de moins de 500 mètres vont coûter 2,1 M $, soit plus du double de ce qui a été prévu. À Dolbeau-Mistassini, la facture atteint 4,8 M $ pour des travaux d’environ 600 mètres sur la rue des Peupliers. Des coûts élevés, que les fonctionnaires avaient anticipés en raison des hausses des dernières années.

Le chantier du pont de Sainte-Anne à Saguenay a démarré en retard puisque la première ronde d’appels d’offres était trop élevée. Le chantier s’élève à 10,6M $ plutôt que les 6 M $ prévus au départ.

Les coûts qui explosent obligent les localités à reporter des investissements nécessaires. Au cours de la dernière année, 80 % des municipalités ont été contraintes de le faire, selon cette étude.

C’est le cas de Roberval. Le maire Serge Bergeron a donné de nombreux exemples. Le développement de la Pointe Scott, la rénovation du curling, l’amélioration de la signalisation ou les travaux de voirie qui doivent se faire par phase au lieu de les faire en entier. Une situation qui retarde son développement.

Ces exemples démontrent les lacunes de la fiscalité municipale. Les villes doivent jouer à l’équilibriste faute d’être en mesure de disposer de plus de revenus pour concrétiser des projets.

En effet, selon le professeur de l’UQAC Vincent Morin, les municipalités n’ont plus de marge de manoeuvre. Alors que près de 80 % des revenus proviennent de l’impôt foncier et que les dépenses incompressibles représentent
environ la même proportion, il ne reste plus beaucoup d’argent pour investir.

« Il est difficile d’en demander plus aux contribuables en augmentant la taxe foncière. Un, ce n’est pas bon politiquement ! Et avec l’augmentation des dépenses liées aux problèmes sociaux et aux changements climatiques, les villes n’ont d’autres choix que de demander au gouvernement d’en donner davantage », m’ a-t-il mentionné.

Le ministre Andrée Laforest a beau affirmer que les villes doivent mieux se gérer, dans les faits, le point de non-retour
est peut-être atteint.

Est-ce que les villes devront imposer des frais pour l’utilisation de services, genre utilisateur payeur ? Trouver des
façons originales de dénicher des revenus ? Sans l’aide des gouvernements, ça semble pour le moins difficile.

DETTE

Le professeur Morin mentionne aussi que les villes devront surveiller leur dette, car avec la hausse des taux d’intérêt,
elle pourrait exploser.

Une situation qui risque encore de retarder des projets. « Ils devront y penser à deux fois avant d’emprunter 5 M $. »

Il est même surprenant dans ce contexte que Saguenay ait décidé de donner un coup de barre et prévoir des investissements de l’ordre de 142,1 M $ en 2024, comparativement à 68,3 M $.

Les choix vont devenir de plus en plus difficiles. Comme pour Saguenay, plusieurs projets vont dépendre des subventions que les municipalités pourront obtenir.

Et les élus devront choisir entre la gestion et la politique. Car évidemment, il est beaucoup plus sexy et payant politiquement de promettre 100 M $ pour un nouvel amphithéâtre que d’injecter 100 M $ pour réparer les rues en piteux état.

Un numéro d’équilibriste attend nos élus tant que le nouveau pacte fiscal ne répondra pas à leurs demandes.

 

Chaque semaine, un membre de l’équipe de Trium Médias prend parole sur un sujet de son choix, c’est La Jasette de la gazette.

Abonnez-vous à nos infolettres

CONSULTEZ NOS ARCHIVES